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Eglise Saint-Cyr-Sainte-Julitte
(document de Mme Servanne DESMOULINS-HEMERY, chef de la conservation
des objets d'art et du musée départemental d'art religieux)
 

Edifiée sur un plan rectangulaire prolongé d’un chœur terminé en abside,

l’église d’Aunou se présente comme un édifice simple remontant au

Moyen-Age. Les chapelles latérales qui n’existaient pas en 1703 ont

été ajoutées au 18e siècle. Une dalle commémorative de la construction

financée par Jacques LEMIERE DES PALLIERES en 1720 en témoigne

dans la chapelle nord. Le clocher porche inclus dans l’édifice en constitue

la partie la plus ancienne.

 

La dédicace à Saint Cyr et sainte Julitte est assez rare. Saint Cyr, Cad le

Syrien, fils de Sainte Julitte, aurait subi le martyre à Tarse avec sa

mère à l’âge de 3 ans. Sa passion apocryphe lui attribue un

nombre invraisemblable de supplices, chacun d’eux, suivant une tradition

hagiographique courante, se retournant contre les bourreaux : flagellation

avec des fouets plombés, même pas mal mais les bourreaux sont épuisés ;

comparution devant le juge qui lui fait couper la langue, il proclame « Je

suis chrétien » ; plongé avec sa mère dans une chaudière ; étendu sur

une poêle à frire ; la scie qu’on apporte pour le découper se retourne

contre les bourreaux ; on lui plante 3 clous dans le crâne et les épaules (ou

dans les yeux et la bouche), un ange descend, extrait les clous qui vont

s’enfoncer dans la chair des bourreaux ; il griffe le visage du juge, celui-ci

l’empoigne par une jambe, le soulève et lui fracasse la tête sur les gradins

de son tribunal. Dévotion répandue au Moyen âge en Italie, en Espagne et

en France. Toujours représenté plus vieux que son âge.

 

LE DECOR DU CHŒUR

 

L’église dépendait de la grande abbaye de Saint André de Gouffern, près de Falaise, qui nommait le curé et touchait une bonne parie des grosses dîmes. L’entretien du chœur était à sa charge.

Le décor du chœur est très original pour la région avec son allure italienne. Il a vraisemblablement été exécuté dans les années 1740 : auparavant l’autel était appliqué contre le pignon qui a été détruit pour édifier le rond-point. Or, de 1732 à 1751, l’abbé de Saint-André de Gouffern était M. d’Albergotti, prélat du pape, demeurant habituellement à Florence, ce qui expliquerait ce décor italianisant peint de faux marbres et rythmé de pilastres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE MAITRE-AUTEL

 

La disposition habituelle dans la région et qui existait encore à Aunou en 1703 est l’adossement de l’autel à un retable placé au fond du chœur, contre le pignon. Mais il peut être aussi totalement isolé au milieu du chœur ; certains théologiens le recommandent dès la fin du 17e siècle au nom de cérémonials anciens supposant que l’on puisse tourner autour de l’autel. Dès le début du 18e siècle on utilise pour ce type d’autel le nom d’autel à la romaine. La messe y est dite, comme pour les autels adossés, le dos tourné à l’assistance. L’autel à la romaine a été remis à la mode par le baldaquin de Saint-Pierre de Rome et celui du Val de Grâce.

En 1744, lors d’une visite, l’archidiacre du Houlme recommande la confection d’un nouveau tabernacle, l’ancien ayant été réutilisé mais ne convenant pas à la nouvelle disposition de l’autel. En 1763, à l’occasion d’une nouvelle visite, l’évêque note un tabernacle de bois sculpté et doré et deux anges en adoration encadrant le maître-autel.

Les deux reliquaires figurent sur l’autel en 1768 mais les reliques de saint Justin, saint Bon et saint Pérégrin n’y sont exposées qu’en 1781 après qu’elles ont été reconnues authentiques.

 

Le tableau de l’Annonciation sert de contretable. C’est la copie d’un tableau peint par Louis Boullogne en 1709 pour la chapelle de la reine à Versailles.

 

LES STATUES

 

Le groupe de Saint Joseph et l’enfant Jésus en pierre polychrome atteste le renouvellement de l’iconographie de saint Joseph. Au Moyen Age saint Joseph est représenté en vieil homme. Le développement de son culte au 16e siècle, promu par sainte Thérèse d’Avila, met l’accent sur sa paternité. L’Enfant Jésus porte l’orbe car il est le sauveur du monde. La branche tenue par Joseph est le symbole de sa chasteté.

L’archange saint Michel terrassant le dragon, en stuc polychrome, symbolise la lutte de l’Eglise contre l’hérésie protestante. Ce groupe pourrait aussi marquer le passage d’un itinéraire de pèlerinage vers le Mont-Saint-Michel.

Le groupe sculpté de sainte Anne et la Vierge pourrait provenir de la chapelle sud dédiée à sainte Anne au 18e siècle. Mais il pourrait s’agir d’une représentation de saint Cyr et sainte Julitte, le matériau et les dimensions proches de celle de saint Louis semblent indiquer que ces statues forment pendant. Or, en 1768 les statues mentionnées dans le chœur sont celles de saint Louis et saint Cyr et sainte Julitte.

Saint Louis, en stuc polychrome est représenté portant la couronne d’épines. En effet il avait acheté cette couronne considérée comme authentique à un marchand vénitien en 1239 et fait construire pour l’abriter la Sainte Chapelle en son palais de la Cité.

L’Ange gardien en stuc polychrome est l’un des rares exemples conservés dans l’Orne d’un culte institué en 1608 par le pape Paul V qui étend à l’ensemble de l’église une dévotion née en Espagne au 16e siècle. L’ange gardien est toujours représenté en marche avec un enfant, le bras droit levé.

La statue de saint Jean Baptiste en pierre polychrome semble plus ancienne.

Le chœur est clos par une grille de fer forgé très joliment travaillée.

 

L’ensemble de ce décor a été classé Monument Historique en 1985 et fait l’objet d’un important chantier de restauration pluriannuel financé à parts égales par la commune et l’Etat.

 

LA LEGENDE DE SAINT CYR


"Au IVe siècle après Jésus Christ, en Asie Mineure, Kérikos (Cyr) et sa mère Julitte, tous deux chrétiens, sont fait prisonniers lors de la persécution de Dioclétien. Tentant plus d’une fois de torturer l’enfant, les soldats virent leur cruauté punie. En effet, tous les gestes néfastes visant à blesser Cyr se retournaient, grâce à l’aide de Dieu, contre les bourreaux qui se retrouvaient tantôt brûlés, tantôt ébouillantés ou encore flagellés… Le juge du palais, fou de rage, en vint à attraper l’enfant par les pieds, et avec violence lui brisa la tête contre les marches du tribunal. St Cyr est dés lors l’un des plus jeunes martyrs de la Chrétienté."

 

De plus, un livre des saints datant de 1742 précise qu'il fut martyrisé à Tarse en 305, effectivement tué par le gouverneur Alexandre en le projetant contre les marches du tribunal où il siégeait parce que Saint Cirq continuait à proclamer qu'il était chrétien alors qu'il contemplait sa mère subissant la torture. Il mourut donc juste avant elle."

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